Madame Ducrocq Boulanger vient d’avoir cent ans en décembre dernier : voici l’histoire remarquable d’une Canavéroise qui a vécu mille et une aventures.
Une indépendante jeune femme
L’histoire de Paule Ducrocq Boulanger commence en Picardie. Née d’une famille catholique d’agriculteurs, sa mère n’avait pas le temps de s’occuper d’une troisième enfant. Paule a donc été élevée par son oncle et sa tante pour libérer la mère du poids d’un nourrisson et cequi ne devait durer que quelques mois dura toute une vie. Paule se fit adopter par son oncle et sa tante et prit leur nom de famille. Durant son enfance elle fût choyée et gâtée ; elle n’a cependant pas été écartée du monde du travail.
Après avoir obtenu son certificat d’études à onze ans au lieu de quatorze à l’époque, son oncle l’éduqua et la forma à travailler dans son entreprise dans le secteur du bâtiment. Elle s’occupa alors de la comptabilité et se chargeait de rencontrer les fournisseurs. Scandalisant pour l’époque ! Une femme, sans chaperon, voyageait donc seule pour rencontrer des hommes. Paule Ducrocq Boulanger raconte : « Il fallait un chaperon à ma sœur aînée pour aller à Amiens, moi j’allais à Amiens toute seule ! Je trouvais ça normal, je n’aurais pas aimé que mon oncle me colle quelqu’un pour m’accompagner, je savais quoi faire et quoi dire. » De véritables responsabilités lui étaient confiées : une situation tout à fait exceptionnelle pour une femme dans les années quarante.
Née en 1923, Madame Boulanger a connu les horreurs de la guerre : durant la période de l’exode, son frère a été tué sur le champ de bataille, sa grand-mère décéda ensuite, tourmentée par la perte de son petit-fils. De ces horreurs, Paule garda quelques souvenirs qu’elle transmet avec malice : « cogner dans les allemands ça m’était bien égal ! Je n’ai jamais eu peur… J’y ai risqué gros dès fois ! » Elle raconte, fière, le moment où elle a giflé un officier allemand qui avait voulu l’embrasser de force sur le perron de sa porte : « le billet d’aller-retour, et paf ! » en sourit-t-elle.
Le dévouement au cœur de sa vie
À la demande de son oncle, Paule entreprit de vendre tous ses biens et d’explorer le monde avant que celui-ci ne succombe à une maladie. Après s’être occupée de ses parents adoptifsjusqu’à ses quarante-trois ans, elle déménagea alors à Sceaux. Volontaire dans l’apprentissage, elle évoluera rapidement pendant sa carrière au sein de la caisse des retraites, dirigeant alors son propre service. Un fait exceptionnel pour une femme à cette époque. Indépendante financièrement, elle décida d’acheter un appartement sur la ligne A du RER, facilitant ses déplacements quotidiens et s’installa alors dans le quartier du Moulin à Chennevières où elle trouva la quiétude d’une ville pavillonnaire.
Admirable globe–trotteuse, Paule ne peut pas citer exactement tous ses voyages tant elle en a fait, traversant tous les continents, échangeant avec tous les peuples, motivée par l’envie de connaître d’autres choses. Son dernier voyage remonte à ses 92 ans à Saint-Pétersbourg. De plus, Paule a choisi délibérément une vie en solitaire, s’accommodant parfaitement de son célibat. Son caractère indépendant et autonome persiste encore aujourd’hui. Néanmoins, elle a construit sa propre famille en adoptant deux garçons qu’elle a élevés avec l’attention d’une mère depuis leur naissance.
À cent ans, Paule incarne l’émancipation, la curiosité infatigable et l’indépendance. Elle est un exemple pour les femmes ne voulant pas dépendre d’un homme. Ses voyages, son engagement professionnel et son choix délibéré de vivre en solitaire témoignent de sa personnalité unique. Paule n’a pas seulement traversé les décennies, elle a tracé son chemin avec une assurance inspirante. Son appartement, riche de souvenirs et d’objets témoignant de ses explorations, est à l’image de sa vie. Femme autonome, mère adoptive aimante et globe-trotteuse passionnée, Paule Ducrocq Boulanger est une source d’inspiration et un exemple précieux pour tous celles et ceux qui aspirent à une vie empreinte de courage, d’optimisme et de découverte.